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Tremblement orthostatique : une pathologie cérébelleuse ?

Introduction.

Le tremblement primaire orthostatique (TOP) est un tremblement de fréquence 13-18 Hz caractéristique et spécifique des muscles des jambes et du tronc qui survient lors de la station debout immobile. Il est associé à un sentiment d’instabilité, une peur de tomber, une fatigue et souvent de la douleur. Une impression subjective d’augmentation de l’instabilité est perçue au cours du temps par le patient sans changement concomitant de la fréquence du tremblement. A ce jour, une question se pose : cette sensation désagréable d’instabilité est-elle la cause ou la conséquence du tremblement orthostatique ? Un dysfonctionnement cérébelleux a été impliqué bien qu’aucune démonstration directe n’ait été faite. Cependant, des arguments sont en faveur de cette hypothèse, parmi lesquels, des troubles de la posture (oscillations), la présence d’un second pic à la fréquence du tremblement cérébelleux (3-5 Hz), l’existence d’un TOP chez des patients porteurs de lésions du cervelet ou du pont. Cependant sont-ils spécifiques au TOP ou participent-ils à d’autres tremblements tels que le tremblement essentiel ou le tremblement de Parkinson ? Les rares études disponibles en neuroimagerie ne clarifient pas ce point. Une seule étude utilisant  le 18 F-fluorodexoxyglucose comme traceur dans l’imagerie par tomographie par émission de positons rapporte chez un patient un hyper métabolisme bilatéral au niveau du cortex moteur primaire et du vermis cérébelleux. Le métabolisme énergétique cérébral redevient cependant normal lorsque le tremblement est supprimé par stimulation cérébrale profonde du noyau ventral intermédiaire (VIM) du thalamus.  Dans le même ordre d’idée, des études rapportent que la stimulation du VIM améliore le tremblement orthostatique. Dans la physiopathologie du TOP et du tremblement essentiel, les boucles cérébelleuses motrices mis en jeu sont différentes. Ainsi, dans le TOP, des oscillateurs situés au niveau du tronc cérébral semblent impliqués dans la régulation de l’attitude et du tonus. De plus, le TOP perturbe la boucle de rétroaction proprioceptive qui contribue à stabiliser la contraction musculaire au niveau des jambes ce qui entraîne une aggravation du tremblement.

Le but de cette étude est de caractériser par une approche multimodale, les déficits anatomo-fonctionnels de la voie cérébelleuse motrice dans le TOP.

Matériel et méthodes

17 patients TOP (12 femmes, 7 hommes ; âge moyen 63 ± 10,5 ans) et 17 volontaires sains appariés en sexe et âge (12 femmes et 5 hommes ; 62,7  11,2 ans) sont inclus dans l’étude. Le TOP a été diagnostiqué selon les critères des troubles du mouvement « Movement Disorders Consensus Criteria ». Tous les patients ont été soumis à des tests de capacités cognitives et de qualité de vie. Tous les patients TOP présentent un tremblement des membres inférieurs, bilatéral, de fréquence 13-18 Hz, sans autre trouble neurologique. Au moment de l’étude, 12 patients sont sous médication (Clonazepan <1,5mg).

Pour moduler la connectivité fonctionnelle entre le cervelet et le réseau cérébello-thalamo-cortical, 9 des 17 patients TOP (5 femmes d’âge moyen 64,8 ± 7, 5 ans) sont soumis à une stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) sur le lobule VIII de chaque hémisphère cérébelleux selon un protocole précis : 900 pulses consécutifs de fréquence 1Hz, d’intensité égale à 90% du seuil moteur de repos (RTM),  sur une durée totale de 15 min pendant 5 jours consécutifs.

L’évaluation clinique, la quantification du tremblement et le protocole d’imagerie ont eu lieu à J 5 après la dernière stimulation, J 12 et J 26 après la première stimulation.

– L’évaluation clinique quantifie la durée maximale de stabilité du patient en position debout à partir des scores de l’échelle FAB (Fullerton Advanced Balance). Le tremblement est évalué à partir des enregistrements EMG (fréquence, surface,  largeur des différents pics du spectre électromyographique).

-L’imagerie par résonance magnétique (IRM) s’effectue à l’aide d’un appareil à haute résolution, le Siemens 3T MAGNETOM Trio équipé d’une bobine de tête à 12-canaux. Le traitement des images permet soit une analyse morphométrique voxel à voxel pour détecter les changements structuraux, soit une analyse fonctionnelle (fIRM) dite BOLD (blood oxygen level dependent)  pour analyser l’amplitude des fluctuations à basse-fréquence (ALFF) du signal BOLD. Les ALFF sont des paramètres pertinents pour explorer les changements d’activité des réseaux neuronaux impliqués dans la pathologie. Après une stimulation rTMS, les évaluations cliniques et EMG sont identiques.

Résultats

1- Concernant les scores cliniques et les paramètres électrophysiologiques du tremblement, il n’existe aucune corrélation entre l’âge d’apparition ou la durée plus longue de la maladie. Cependant, l’instabilité posturale et la largeur du pic de fréquence du tremblement sont fonction de la capacité du patient à maintenir la station  debout.

Comparativement aux sujets sains, les patients TOP présentent une augmentation bilatérale du volume de la matière grise dans les aires supplémentaires motrices (SMA) principalement dans l’hémisphère droit et le vermis supérieur cérébelleux. Cette augmentation est corrélée positivement avec la durée à maintenir la  position debout. De plus, on observe une diminution bilatérale du volume de la matière grise au niveau du lobule VI du cervelet. Cette atrophie est corrélée négativement avec la durée plus longue de la maladie et positivement avec les scores FAB. En d’autres termes, une importante atrophie au niveau des lobules VI est fonction d’une durée plus longue de la pathologie et d’une plus grande instabilité posturale (Figure. 1A).

Figure 1. Corrélations entre les changements morphométriques calculées voxel par voxel dans les régions d’intérêt du réseau cérébello-thalamo-cortical et les scores cliniques et la sévérité du tremblement. Panels A et B : Régressions multiples  indiquant que le volume de la matière grise (GM) dans le cervelet était corrélé négativement à la durée de la pathologie (en bleu) et positivement corrélé aux scores cliniques (SUR = station debout en jaune) ; FAB = score d’instabilité (magenta). Panel C : Régressions linéaires multiples indiquant que le volume de la substance grise dans la SMA est corrélé positivement avec la durée de la pathologie (en rouge) et avec les caractéristiques EMG (en vert).

 

De même, bien que le volume de la matière grise ne soit pas significativement diminué dans le lobule IX, il est corrélé négativement avec la durée plus longue de la maladie et positivement avec une plus grande instabilité en position debout (score SUR) (Figure. 1B). Dans le vermis supérieur du cervelet, le volume de la matière grise est corrélé positivement à l’incapacité à se maintenir longtemps en position debout. Enfin, dans les aires motrices supplémentaires (SMA), le volume de matière grise est corrélé positivement à la fois avec une durée plus longue de la maladie et à une plus grande sévérité du TOP (Figure 1C).

2- Concernant l’imagerie fonctionnelle chez les patients TOP obtenue au repos en absence de tremblement comparativement aux volontaires sains, les fluctuations à basse fréquence du signal BOLD (ALFF) sont augmentées dans les aires suivantes : SMA postérieure, pré-SMA, partie supérieure du vermis et bilatéralement dans les lobules IX et IV du cervelet, c’est-à-dire les régions dans lesquelles la substance grise est augmentée. Ces régions étant associées aux manifestations motrices du tremblement, il en résulte que la connectivité fonctionnelle entre le cervelet latéral postérieur et l’aire supplémentaire motrice est anormalement augmentée. Cette augmentation est corrélée positivement avec la sévérité du tremblement.

3- Chez les patients TOP, au 5ème jour de rTMS au niveau du cervelet, les résultats indiquent une diminution de la sévérité du tremblement associée conjointement à une diminution bilatérale de la connectivité fonctionnelle entre le lobule VI du cervelet et les aires SMA et M1 (aire de représentation des membres inférieurs dans le cortex moteur primaire). A J-26, la connectivité fonctionnelle entre ces régions est plus faible et elle est corrélée avec un tremblement plus sévère.

Figure 2. Connectivité fonctionnelle des réseaux moteurs après stimulations rTMS. Panel (A) : Effet de rTMS sur les paramètres cliniques et électrophysiologiques du tremblement. * indique la significativité entre l’état basal et J-26. Panel (B) : Comparativement à l’état basal, après rSMT, les patients TOP ont une diminution bilatérale de connectivité fonctionnelle entre le lobule VI et les aires M1 et SMA. Panel (C) : Régressions linéaires multiples indiquant une corrélation positive de la connectivité fonctionnelle entre le lobule VI et la SMA et les caractéristiques EMG à l’état basal (vert) et une corrélation négative à J-26 (bleu). Cette corrélation n’est pas significative à J-5 (gris).

Discussion.

Trois résultats principaux sont à retenir de cette étude: 1) le cervelet latéral postérieur (lobule VI) est au cœur du processus pathologique qui conduit au TOP ; 2) les réseaux partant de cette région, vers les cortex moteurs et pré-moteurs sont impliqués dans les troubles de l’équilibre des patients TOP ; 3) le vermis cérébelleux joue un rôle compensateur. Ces données apportent un éclairage nouveau sur les anomalies structurelles et les mécanismes intrinsèques de l’instabilité et du déséquilibre dans le TOP.

Les patients TOP montrent une atrophie cérébelleuse qui se manifeste par une diminution bilatérale du volume de la matière grise dans le lobule VI. Dans l’analyse du cerveau entier, aucune autre région corticale ou sous-corticale ne montre des changements du volume de matière grise. Le fait que l’importance de l’atrophie soit associée à une plus longue durée de la maladie et à une instabilité posturale plus marquée souligne la signification fonctionnelle de ces changements structuraux dans le lobule VI. Bien que le volume de matière grise ne diminue pas significativement dans les lobules IX chez les patients TOP versus les sujets sains, il est vraisemblable que l’anomalie fonctionnelle observée dans le lobule IX de patients TOP soit aussi au cœur du processus pathologique car une réduction du volume de la matière grise est associée à une durée plus longue de la maladie et à une instabilité posturale plus marquée. Il faut noter que les changements fonctionnels dans le lobule IX sont aussi associés à des manifestations non-motrices du TOP (impact psychologique de la peur de tomber). Il est possible que les changements fonctionnels vus dans cette région soient reliés à l’effet du tremblement sur la posture et la démarche.

Un autre trait du TOP, en plus de l’atrophie cérébelleuse, est une augmentation du volume de matière grise dans les aires supplémentaires motrices (SMA) et aires SMA associées (pré-SMA), accompagnée par des fluctuations à basse fréquence du signal BOLD (ALFF). La SMA joue un rôle important dans le contrôle de l’équilibre. En particulier, elle jouerait sur l’anticipation des ajustements posturaux qui précédent le pas. Les aires pré-motrices, incluant les SMA, sont une cible du lobule VI du cervelet, qui appartient au réseau sensorimoteur cérébelleux-cérébral. La SMA pourrait recevoir en permanence des messages erronés, si les afférents proprioceptifs en provenance des membres inférieurs sont traités de façon impropre dans les lobules cérébelleux IV, VI et IX. Il en  résulterait un fort ressenti d’instabilité chez les patients TOP et une difficulté à maintenir la station debout. Cette hypothèse est étayée par les résultats des études conjointes d’EEG et d’EMG chez les patients TOP. Ainsi, l’EEG montre que le cervelet et la SMA sont des régions où des oscillations à la fréquence du TOP sont observées.

Les résultats sur la connectivité fonctionnelle à l’intérieur du réseau cérébelleux sensorimoteur confirment l’intérêt fonctionnel de la communication entre les lobules cérébelleux bilatéraux et la SMA dans la pathologie du TOP. En effet, les patients ont une connectivité fonctionnelle augmentée entre le lobule VI, la SMA et l’aire de représentation des membres inférieurs dans le cortex moteur primaire. De plus, un taux de connectivité fonctionnelle plus élevé est associé à une plus grande amplitude du pic de fréquence du tremblement. Ceci suggère que des changements structuraux dans le cervelet peuvent avoir des effets en cascade sur le rôle que jouent les informations qui partent des lobules cérébelleux jusqu’aux aires motrices des membres inférieurs et jusqu’à la SMA.

Les résultats de la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) confortent l’hypothèse que les connections cérébello-cérébrales, incluant la SMA,  jouent un rôle dans le TOP. Après TMS, l’EMG montre que l’amplitude du pic de fréquence, qui reflète la sévérité du tremblement, est réduite. On observe un renversement des relations entre la connectivité fonctionnelle lobule IV/SMA et l’amplitude du pic de fréquence de l’EMG. La stimulation pourrait moduler la façon dont le cervelet traite les afférences proprioceptives venant des membres inférieurs et diminuer le taux de messages erronés échangés avec la SMA. Notons que des études supplémentaires sont nécessaires pour écarter un effet placebo. En effet, dans le cas présent, il n’a pas été fait de pseudo-stimulations. Cependant, un effet placebo est peu probable car l’amélioration apportée par la TMS n’est pas ressentie subjectivement mais ne se voit que sur l’EMG.

Notons que des changements structuraux dans le cervelet latéral et la SMA sont aussi observés dans le tremblement essentiel (TE). Mais il existe des différences : chez les patients TOP, les anomalies sont observées principalement dans les régions du cervelet qui correspondent à la représentation des membres inférieurs (atrophie dans lobule latéral VI et augmentation des ALFF dans les lobules IX et IV) alors que chez les patients TE, les anomalies concernent les lobules V et VIII.

Un autre résultat important de l’étude est l’augmentation du volume de matière grise dans le vermis cérébelleux, qui semble spécifique au TOP et qui n’a pas été retrouvée chez les patients TE. Cette augmentation est corrélée positivement à la durée de la maladie et à une meilleure capacité à garder la station debout. Ces corrélations suggèrent que des mécanismes compensatoires se mettraient en place au cours de la maladie. Les auteurs font l’hypothèse que les tremblements des membres inférieurs qui entraînent des troubles de la posture pourraient déclencher des mécanismes compensatoires au niveau du vermis par l’intermédiaire des noyaux du tronc cérébral et des voies descendantes de la moelle épinière, cette structure étant connue comme jouant un rôle majeur dans la posture.

Les auteurs précisent que les résultats d’IRM ont été obtenus au repos, en l’absence de tremblement. Ils ne peuvent donc pas être interprétés en termes de mécanismes générateurs mais plutôt comme des changements associés à la pathologie du tremblement. Il existe cependant quelques données d’IRM fonctionnel pendant tremblements des membres inférieurs qui montrent un hyper métabolisme dans les hémisphères et le vermis cérébelleux et dans le thalamus. Ces données confortent l’hypothèse des auteurs selon laquelle les connexions cérébello-thalamo-corticales sont impliquées la genèse des tremblements liés aux déficits cérébelleux.

Cécile Gallea, Traian Popa, Daniel Garcia-Lorenzo, Romain Valabregue, Andre-Pierre Legrand, Emmanuelle Apartis, Lea Marais, Bertrand Degos, Cecile Hubsch, Sara Fernandez-Vidal, Eric Bardinet, Emmanuel Roze, Stéphane Lehéricy, Sabine Meunier, et Marie Vidalhet. Centre de Neuroimagerie de Recherche-CENIR, Institut du Cerveau et de la Moelle épinière-ICM, Groupe Hospitalier Pitié-Salpétrière, 75651 Paris, Cedex 13, France.

 

Référence de l’article : BRAIN 2016 : pages 1-16 ; Résumé : Drs Marie Hélène Bassant, Nicole Sarda (SciensSAs-INSERM).

 

 

 

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