Association des personnes concernées par le tremblement essentiel

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Santé mentale, addiction et environnement

Depuis la création de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan), le premier colloque collaboratif entre l’Institut thématique multi-organisme (ITMO) Santé publique et l’ITMO Neurosciences, Sciences cognitives, Neurologie, Psychiatrie s’est tenu à Paris le 8 et 9 décembre 2014 dans le grand auditorium de la Bibliothèque nationale de France (BnF) sur le thème Santé mentale, addiction et environnement.

Ce colloque ouvert à l’ensemble de la communauté des chercheurs, praticiens, industriels, associations de personnes malades, organismes de tutelle, agences de financement, s’inscrit selon Geneviève Chêne, directrice de l’ITMO Santé publique, dans la volonté d’encourager la transdisciplinarité dans le domaine de la recherche en santé mentale. En effet « le cerveau, fruit de l’ontogénèse, a pour spécificité un fonctionnement multimodal, influencé par les interactions sociales et environnementales ». C’est ainsi qu’à l’image du fonctionnement cérébral, le colloque a réuni des conférenciers et des participants de plusieurs disciplines lors des différentes sessions :

  • Addictions (session 1),
  • Santé mentale (session 2)
  • Environnement (session 3),
  • Stimulation cognitive (conférence).

La journée a permis de faire le point sur les recherches actuelles concernant certaines maladies du cerveau, sur les stratégies à envisager pour leur meilleure compréhension et sur leurs interactions avec l’environnement et les enjeux sociétaux posés du fait de la complexité de ces maladies.

Les docteurs Marie-Hélène Basssant et Nicole Sarda, chercheurs SciensAs’ dans le groupe NeuroPsy, ont participé à cette journée. Elles vous proposent de partager les données les plus marquantes exposées au cours des diverses présentations.

Session 1 : Addiction

Fondements d’une théorie générale de la toxicomanie par Pier Vincenzo Piazza, Centre de recherche INSERM U862, Physiologie de la plasticité neuronaleUniversité de Bordeaux.

Selon ce neurobiologiste, l’exposition chronique aux drogues ne conduit à la toxicomanie que chez des individus vulnérables (Piazza et al. Psychopharmacology. 2013). Il existerait deux phénotypes de vulnérabilité. On entend par phénotype l’ensemble des caractères observables d’un individu. Le premier phénotype – corrélé à une forte réactivité au stress, à l’anxiété et à l’impulsivité – augmente les effets appétitifs des drogues et facilite une prise chronique de doses importantes. Cette vulnérabilité paraît due à une augmentation de l’activité des hormones glucocorticoïdes et des neurones dopaminergiques du mésencéphale. Toutefois, la vraie toxicomanie, prise compulsive avec perte de contrôle, ne se rencontre que chez un nombre limité d’utilisateurs chroniques. Les individus développant cette grave pathologie possèdent un second phénotype « vulnérable à l’addiction ». Des études expérimentales sur des modèles animaux  indiquent que le deuxième phénotype serait associé à une perte durable de la plasticité synaptique qui, en rigidifiant le comportement, amène à une perte de contrôle.

Cette théorie amène Pier Vincenzo Piazza à proposer une révision des approches utilisées pour lutter contre la toxicomanie. Les efforts sociétaux et médicaux devraient être déplacés vers les phases précoces de la maladie afin de favoriser une demande de soins précoces chez les patients et éviter une pathologie plus grave.

L’épidémie de binge drinking chez les jeunes : des atteintes cérébrales à la behavioral economics… par Nickael Naasila, équipe INSERM ERI 24, Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendancesUniversité Picardie Jules Verne.

Le binge drinking est un mode de consommation excessif de grandes quantités de boissons alcoolisées sur une très courte période de temps. Ce type de comportement où l’état d’ivresse est recherché rapidement, est considéré comme une addiction, dès lors que la dépendance à l’alcool sous forme épisodique est établie. L’addiction à l’alcool est une des maladies pour laquelle la prise en charge est faible, moins de 10 % des patients consultent. Elle représente un enjeu majeur de santé publique, d’autant que des expertises récentes rapportent une augmentation des consommations paroxystiques d’alcool chez les adolescents. Dans le cadre d’un financement européen, Nickael Naasila, coordonne le projet INTERREG IVA France Angleterre Alcobinge. Ce projet comporte deux objectifs. Grâce à une étude longitudinale chez l’homme, il vise à étudier l’impact du binge drinking au niveau cérébral (émotionnel et cognitif) chez les étudiants. Par ailleurs, des modèles expérimentaux ont été développés afin d’étudier la vulnérabilité de l’addiction à l’alcool induite par le binge drinking. Ainsi, le binge drinking altère les fonctions cognitives (mémoire spatiale…) en impactant les lobes frontaux et temporaux internes. Ces effets délétères sont plus marqués dans le cerveau des jeunes filles comparativement aux garçons. D’autres atteintes concernent la substance blanche (corps calleux). Le binge drinking provoque aussi des processus inflammatoires qui contribuent à la mortalité neuronale avec les atteintes cognitives et le risque accru d’addiction à l’alcool qui en découle. Nickael Naasila rapporte alors les résultats obtenus par modélisation animale. Il évoque des phénomènes d’anxiété accrus, une plasticité hippocampique altérée, une vulnérabilité des rats à l’auto-administration de doses énormes d’alcool allant jusqu’à 2 g d’alcool/ml de sang. Compte tenu des risques et des conséquences de cette pathologie complexe et qui touche un nombre grandissant de jeunes, les discussions portent sur les lois qui règlent la consommation d’alcool, les mesures préventives à mettre en œuvre pour communiquer sur les méfaits de l’alcool, la recherche de stratégies pour retarder l’âge des premières consommations.

Prévention de l’hépatite C : recherche sur la réduction des risques par Patricia Carrieri, Université Aix-Marseille – UMR 912 Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médicale (SESSTIM)

Comme lors de l’épidémie de HIV chez des personnes consommatrices de drogues, il est nécessaire aujourd’hui de lutter contre l’hépatite C (HCV) qui se transmet de nos jours, d’une personne à l’autre, principalement par le biais de seringues contaminées utilisées pour la consommation de drogues. L’exposé fait état des données sur :

  • la prévalence, de l’ordre de 30-50 % pour les populations précaires ou fragilisées psychiquement,
  • les injections et modes de consommation,
  • l’augmentation des stimulants et des drogues synthétiques,
  • le fait que l’HCV soit curable mais à haut risque de réinfection,
  • le contrôle des modes de transmission,
  • l’accès au traitement substitutif par la méthadone (voir Patricia Carrieri : Methadone induction in primary care for opioid dependence: a pragmatic randomized trial (ANRS Methaville), PLoS One, 2014).

Patricia Carrieri expose ensuite l’état actuel des démarches de prévention dont le projet AERLI/ANRS (Accompagnement et éducation aux risques liés à l’injection / Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites). Préparer son produit, désinfecter le matériel, trouver la veine… ces gestes, fréquemment répétés par les usagers de drogues, entraînent de graves dommages s’ils sont mal faits. Pour l’accompagnement de ces pratiques AIDES, Médecins du Monde, l’INSERM et l’ANRS ont lancé le projet AERLI. Elle rappelle les résultats obtenus :

  • réduction des overdoses du fait de l’augmentation de l’accès aux Centres de consommation (Vancouver),
  • ouverture d’un centre de consommation à Paris (SCMR),
  • mise en place d’une cohorte COSINUS dans le cadre d’une thérapeutique globale de prise en charge,
  • efficacité du méthylphénidate,
  • contrôles des patients sous méthadone ou buprénorphine, substitutifs des pharmacodépendances majeures.

En conclusion, les questions portent sur la mise en place d’une approche thérapeutique et sociétale combinée.

Addiction et traumatisme par Emmanuel Lagarde, INSERM U 897, ISPED, Université de Bordeaux

Dans un cadre où l’épidémiologie est au service de la prévention et de la prise en charge des traumatismes, Emmanuel Lagarde fait le point sur l’identification des questions scientifiques en suspens (facteurs et causes, pratiques cliniques, intervention). Il évoque la réversibilité du lien de causalité entre traumatismes (non intentionnels / intentionnels) et consommation de substances addictives (alcool ou drogues). Puis, Emmanuel Lagarde présente le projet de recherche CESIR (Combinaison d’études sur la santé et l’insécurité routière) dont il est coordonateur. CESIR consiste à apparier les données de remboursements de Caisse nationale de l’Assurance maladie avec les données sur les accidents corporels recueillies par les forces de l’ordre (BAAC) afin d’identifier les pathologies et les médicaments liés à un risque élevé d’accidents de la route. Les résultats confortent les faits suivants avec l’augmentation du risque d’accidents en fonction de la prise de médicaments type Zolpidem (mésusage), méthadone, buprénorphine et consommation excessive d’alcool type binge drinking. Inversement, des traumatismes crâniens ou des syndromes dépressifs post-traumatiques (PTSD) créent des risques d’addictions. Quelles sont les conséquences en santé publique ? Afin de mieux comprendre et prévenir la survenue des comportements à risques, l’observatoire MAVIE (INSERM et Calyxis) a pour objectif de suivre 100 000 volontaires à travers une étude nationale.

Session 2 : Santé Mentale

Facteurs de vulnérabilité dans la schizophrénie par Pierre Thomas, équipe PsychiC, SCA-Lab UMR-CNRS, Université de Lille CHRU de Lille

La schizophrénie est une pathologie mentale sévère et chronique. Les symptômes les plus fréquents sont une altération du processus sensoriel (hallucinations) et du fonctionnement de la pensée (délires). Certains malades (20%) ne feront qu’un épisode alors que la majorité présentera des crises répétitives stigmatisantes. L’imagerie cérébrale a aujourd’hui un rôle essentiel dans l’exploration du versant biologique des troubles psychiatriques. Cette méthode d’exploration contribue à conforter le modèle neuro-développemental de la schizophrénie, modifiant ainsi le regard porté sur les personnes atteintes de cette pathologie. La possibilité d’objectiver des anomalies morphologiques et fonctionnelles du cerveau liées à la présence de manifestations exclusivement subjectives, comme par exemple les hallucinations ou le délire, laisse entrevoir de nouvelles perspectives thérapeutiques. Les avancées technologiques et méthodologiques de ces dernières années permettent d’envisager prochainement le recours à l’imagerie cérébrale pour identifier des biomarqueurs, aider à redéfinir les limites des diagnostiques et à en préciser les indicateurs pronostiques et les facteurs de risques. L’imagerie cérébrale a déjà contribué au développement de nouvelles méthodes thérapeutiques (neurofeedback, neuromodulation) et à l’optimisation de la réponse aux traitements. Le recours à l’imagerie cérébrale devrait aussi être précieux pour établir un bilan des premières manifestations de la maladie, voire de permettre des interventions précoces et de prévention.

En prenant exemple sur ce qui se met en place dans la région Nord-Pas de Calais, Pierre Thomas insiste sur la nécessité d’établir un dialogue entre spécialistes de l’imagerie cérébrale et cliniciens pour sensibiliser ces derniers à l’intérêt de l’imagerie cérébrale dans la prise en charge des patients schizophréniques.

Autisme et réseaux neuronaux : de l’exploration fonctionnelle à la thérapie par Frédérique Bonnet Brilhout, CHRU de Tours

L’autisme ou plus généralement les troubles du spectre autistique (TSA) correspondent à des troubles du développement caractérisés par des interactions sociales et une communication anormales, des comportements restreints et répétitifs, des troubles somatiques. La prévalence est d’environ 1 %. Les symptômes sont détectés dès l’enfance avant 3 ans. L’autisme est une pathologie complexe associée à des anomalies du développement cérébral en particulier de la cytoarchitecture du néocortex frontal et temporal, de la connectivité antéro-postérieure de la substance blanche et des connectivités neuronales et synaptiques, observables par des techniques d’imagerie fonctionnelle telle la magnétoencephalographie (MEG). Au niveau comportemental, les TSA résultent d’un défaut de flexibilité comportementale, d’une perte de l’engagement relationnel par le système oculaire. Ne regardant pas les yeux de leur interlocuteur, les personnes autistes limitent la perception des expressions donc des intentions et des émotions d’autrui aboutissant à une désynchronisation des systèmes de communication, une perte de motivation, une « cécité émotionnelle ».

Est-ce une maladie systémique ? En recherche fondamentale des résultats récents impliquent des troubles du métabolisme, des processus neuro-inflammatoires dont une activation migrogliale. On relève aussi l’implication des récepteurs au glutamate, à l’oxytoxine, au GABA, le dysfonctionnement des canaux potassiques liés au calcium. La diversité de ces anomalies annonce la diversité des thérapies médicamenteuses. Frédérique Bonnet Brilhout, du fait de sa formation de pédopsychiatre, rapporte les approches psychologiques et cliniques actuellement utilisées pour rétablir le plaisir, le partage, l’émotion. C’est ainsi, qu’une prise en charge précoce permet une évolution positive dans 20 % des cas.

Troubles du comportement alimentaire de l’adolescent par Bruno Falissard, équipe INSERM U669, Université Paris-Sud

Les troubles du comportement alimentaire (TCA), tous types confondus, sont fréquents chez les adolescents. Au-delà des pathologies lourdes que représentent l’anorexie mentale et la boulimie, les TCA concernent aussi des dérives allant de la compulsion à l’addiction alimentaire. Globalement le nombre d’adolescents présentant des TCA est en constante augmentation depuis une trentaine d’années. Les données épidémiologiques indiquent une prévalence accrue de l’anorexie variant de 0,4 % pour les cas sévères à 4 %. L’étiologie biologique indique une vulnérabilité génétique. Les données biochimiques mettent en évidence plusieurs dysfonctionnements moléculaires impliquant la sérotonine, la leptine et la ghréline, respectivement neurotransmetteur et hormones régulateurs de l’appétit. Dans la majorité des cas, l’apparition de TCA s’accompagne de troubles psychologiques incontestables : dépression, anxiété, perte de l’estime de soi, perfectionnisme. A ces facteurs psychopathologiques, s’ajoutent des facteurs psychosociaux (prévalence plus élevée dans les pays industrialisés). Des thérapies multimodales sont indispensables à la prise en charge. La revue The Lancet dans Focal psychodynamic therapy, cognitive behaviour therapy, and optimised treatment as usual in outpatients with anorexia nervosa (ANTOP study): randomised controlled trial, répertorie des thérapies spécifiques telles que la thérapie psychodynamique focale qui maîtrise les émotions ou la thérapie comportementale ou classique, utiles pour la guérison ou l’amélioration à long-terme. Des défis de prévention et de traitement précoce de l’anorexie mentale restent à accomplir.

Etat des lieux de la recherche en santé mentale et recommandations à l’échelle européenne par Marion Leboyer INSERM U 955, équipe psychopathologique des maladies psychiatriques, Université Paris-Est-Créteil en collaboration avec Pôle de Psychiatrie CHU Henri-Mondor, Fondation FondaMental et Inserm , ECEVE, Paris

Les maladies mentales représentent un poids épidémiologique et économique touchant plus de 20 % de la population ce qui représente, au niveau européen, un coût global de 700 milliards d’euros. La prise de conscience tardive de l’impact de ces maladies a conduit à des manques dans la recherche en santé mentale. Cette observation est particulièrement vraie en France du fait des faibles budgets accordés pour les recherches en psychiatrie et du nombre restreint d’étudiants. Le projet ROAMER fait état des publications et des champs de recherche couverts. Bien que les publications scientifiques issues des travaux de recherches aient été publiés dans des revues internationales de haut niveau, la France est un mauvais élève en Europe dans les domaines suivants :

  • recherche biomédicale,
  • recherche en santé publique,
  • prises en charge psycho-sociales,
  • bien-être,
  • conséquences sociales des troubles mentaux

Par ailleurs, les formations sont notamment limitées par le manque de postes pérennes et les financements trop faibles, il y a une absence de priorité politique dans les appels à projets dédiés à la psychiatrie.

Face à ce constat alarmant , ROAMER présente 6 recommandations :

  • soutenir la recherche sur la prévention des maladies mentales et promouvoir la santé mentale chez les adolescents,
  • soutenir la recherche sur l’étiologie et les mécanismes causaux des maladies mentales,
  • développer des réseaux de recherches internationaux interdisciplinaires avec des partages de données,
  • développer des interventions qui utilisent les avancées technologiques et scientifiques,
  • partager largement les décisions concernant la recherche et la dé-stigmatisation en santé mentale,
  • soutenir la recherche sur les systèmes de santé (qualité des soins, prise en compte du contexte socioculturel). 

Session 3 : Environnement

Liens entre formes d’organisation et santé au travail par  Loup Wolff, Centre d’études de l’emploi (CEE)Insee

La question d’un lien entre conditions de travail et santé physique est ancienne mais garde toute son actualité (voir les discussions actuelles sur le compte pénibilité). S’y ajoute le débat sur les risques psychosociaux liés au travail : problèmes de harcèlement moral, tensions décuplées au sein de l’entreprise dans un contexte économique difficile, sans parler des suicides dans les grandes entreprises. Les risques psychosociaux étant un sujet complexe, Loup Wolff se reporte à la définition donnée en 2011 par un collège d’experts : « Les risques psychosociaux sont les risques pour la santé mentale, physique et sociale engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels, susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental » (Gollac M., Bodier M. Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser, DARES, ministère du Travail et de l’emploi, avril 2011).

Cette définition réactive la question sur les liens entre organisation du travail et santé. Ce lien est difficile à établir car, pour caractériser l’organisation du travail, de nombreux paramètres sont à considérer : taille de l’entreprise, type de main d’œuvre, rapports hiérarchiques… De plus, les modalités d’organisations du travail évoluent vite. Enfin, les enquêtes sur l’organisation du travail donnent des résultats différents selon qu’elles rapportent la vision des salariés, des représentants du personnel, des dirigeants. Loup Wolff  propose de distinguer 4 types d’organisation du travail :

  • les directes simples : salariés soumis à un contrôle du travail permanent exercé par la hiérarchie, pas d’équipe autonome, pas de démarche de qualité, pas de hiérarchie intermédiaire,
  • les informelles autonomes : contrôle du travail assez fort exercé par la hiérarchie intermédiaire, travail relativement collaboratif (réunions régulières), travail en équipe autonome,
  • les hiérarchiques équipées : peu d’autonomie aux salariés, tâches précises à exécuter, hiérarchie intermédiaire contrôlant de façon permanente le travail, dispositif de rotation d’équipes,
  • les instrumentales managériales : démarche de qualité, flux tendu, progiciels de gestion, réunions régulières d’atelier, autonomie aux salariés pour résoudre les problèmes, objectifs globaux définis.

Que disent les salariés de leurs conditions de travail ? Dans

  • les directes simples : satisfaction vis-à-vis de la rémunération mais avis négatif sur l’ambiance au travail, charge de travail jugée raisonnable, regret de l’absence d’entretien individuel,
  • les informelles autonomes : sentiment de liberté et d’autonomie dans les décisions à prendre, possibilité de nouveaux apprentissages, sentiment de stabilité dans les relations entre collègues, bonne satisfaction dans le travail, peu de conflits éthiques,
  • les hiérarchiques équipées : obligation de se dépêcher, ennui au travail, sentiment d’une liberté entravée, moins de reconnaissance, dégradation nette de la perception des conditions de travail,
  • les instrumentales managériales : rapport au travail satisfaisant, contenu cognitif apprécié, prise en compte du point de vue des salariés, entretiens individuels, adhésion aux objectifs de l’entreprise.

Pour savoir s’il existait des liens entre ces différentes formes d’organisation du travail et les accidents du travail et les maladies professionnelles, les chercheurs ont utilisé les données de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnamts) sur les accidents du travail et les troubles musculo-squelettiques (TMS) déclarés en 2010 et 2011, avec ou sans arrêt de travail supérieur à 5 jours. Des liens significatifs ont été trouvés entre les 4 classes d’établissements et accidents du travail et/ou TMS avec ou sans arrêt de travail. Des différences apparaissent. Les formes d’organisation hiérarchiques se révèlent particulièrement pathogènes. Les accidents sont plus nombreux dans les instrumentales et les TMS plus nombreux dans les informelles.

En conclusion, ces travaux montrent qu’il y a des corrélations entre formes d’organisations du travail, ressenti des salariés et données de la Cnamts sur la santé et la survenue des risques professionnels.

Mental health risk factors: the role of environment par Viviane Kovess-Masfety, Laboratoire Psychopathologie et Processus de Santé (EA 4057) Université Paris Descartes – EHESP

La santé mentale peut être définie selon trois axes :

  • la santé mentale positive, dont la résilience face aux évènements traumatiques est un exemple,
  • la  souffrance psychologique, présente chez de nombreux individus,
  • les désordres psychiatriques caractérisés par des symptômes sévères qui impactent la vie quotidienne.

Les facteurs à risque sont nombreux et complexes. Les modèles récents sont centrés sur les interactions gène/environnement : un individu présentant une fragilité génétique, marqués par le vécu de son enfance, sera confronté à des évènements et des traumatismes qui auront ou n’auront pas d’incidence sur sa santé mentale.

Viviane Kovess-Masfety donne quatre exemples.

  1. Le trouble de stress post traumatique (TSPT) : après une certaine période de temps, les individus qui souffrent de TSPT sont ceux qui avaient une santé mentale fragilisée avant le traumatisme.
  2. Le lien entre dépression et conditions de vie défavorables : chez des populations vulnérables, par exemple mères célibataires de milieu défavorisé, le cumul d’évènements négatifs dans l’enfance, un travail peu valorisant et le manque d’estime de soi favorisent la dépression.
  3. L’interaction entre conditions de travail et santé mentale : l’humeur dépressive est plus fréquente chez les individus qui ont une image négative de leur environnement, en particulier professionnel, avec une augmentation des risques de troubles de santé mentale.
  4. Les facteurs de risques de suicide : ils illustrent également les interactions entre les caractéristiques génétiques, la personnalité et les troubles psychiatriques antérieurs.

Viviane Kovess-Masfety présente enfin des travaux danois montrant que le risque de développer une schizophrénie est plus élevé chez des individus ayant grandi dans un environnement urbain comparé à un environnement rural. Différents questionnements émergent tant au niveau sociétal, religion et santé mentale, références culturelles et conduites suicidaires, responsabilité individuelle qu’au niveau politique, financements de programmes de recherches pour la prise en charge des maladies mentales, la prévention du suicide, la mise en place d’interfaces généralistes / psychiatres.

Maladie de Parkinson et exposition professionnelle aux pesticides par Alexis Elbaz, Centre de Recherche INSERM U 1018, Epidémiologie et Santé des Populations – Université Paris-Sud

La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative fréquente. Passé 50 ans, son incidence est de l’ordre de 3 à 4 pour 1 000 personnes / années en France soit 25 000 nouveaux cas par an. Elle est 1,5 fois plus fréquente chez les hommes que chez les femmes. La maladie est liée à la perte progressive des neurones dopaminergiques de la substantia nigra pars compacta avec présence de corps de Lewy. Ses causes sont multifactorielles, génétiques et/ou environnementales. Il existe des facteurs protecteurs (tabac, café, faible taux d’acide urique ou de cholestérol) et des facteurs de risques (traumatismes crâniens, solvants). L’hypothèse d’un lien entre l’exposition aux pesticides et la maladie a été émise dès 1980, suite à la survenue de plusieurs cas de syndromes parkinsoniens après injection intraveineuse de MPTP, un contaminant de l’héroïne, chez des toxicomanes. La structure chimique du MPTP s’apparente à celle d’un herbicide, le paraquat, inhibiteur du complexe de la chaîne respiratoire mitochondriale et neurotoxique des cellules dopaminergiques. Pour étudier le lien de causalité entre pesticides et maladie de Parkinson, 46 études antérieures portant sur l’exposition aux insecticides, fongicides et herbicides ont été rééxaminées (van der Mark et al ., Environ Health Perspect, 2012). Bien que les méthodes d’évaluation des conditions d’expositions soient assez sommaires, les résultats montrent un risque 1,6 fois plus élevé chez les personnes exposées aux pesticides au cours de leur vie ; les insecticides et les pesticides étant les plus dangereux. Les herbicides les plus concernés sont le paraquat, la roténone. Parmi les insecticides, les organochlorés (DDT, dichloro-diphényl-trichloréthane, lindane) sont cités. Alexis Elbaz mentionne que des travaux actuels examinent l’hypothèse de gènes de susceptibilité aux effets des pesticides. Ces données, bien qu’en faveur d’une neurotoxicité des pesticides, doivent être confortées avec la prise en compte de la nature des produits, de leur dosage et de la fenêtre temporelle d’exposition. Sur le sujet santé et pesticides, voir l’Expertise collective de l’Inserm (juin 2013).

Stress and the city-Mental Health in Urban Environments par Mazda Adli, Charité-Universitätsmedizin, Berlin

Alors que les conditions de vie (éducation, santé, culture…) semblent plus favorables en milieu urbain qu’en milieu rural, une hypothèse est actuellement admise sur les liens de causalité entre stress urbain et maladies mentales (dépression, schizophrénie). Ainsi, une analyse rétrospective de 20 populations étudiées depuis 1985 (Peen et al., Acta Psychiat Scand, 2010) montre une augmentation des troubles de l’humeur (+ 39 %) et de l’anxiété (+ 21 %) dans les populations urbaines comparées aux populations rurales. Plus longtemps on vit en ville, plus fort est le risque. On a aussi montré que l’activation de l’amygdale, région cérébrale impliquée dans l’évaluation des émotions et de l’anxiété, est corrélée à la taille de la cité. La gestion du stress dans les mégapoles constitue alors le challenge majeur du 21ème siècle, sachant que les 2/3 des hommes vivront en ville en 2050. Le stress résulte à la fois de la surpopulation mais aussi de l’isolement, étroitement lié à une surmortalité. Comment agir ? Minimiser la densité sociale mais, dans le même temps, créer des espaces favorables aux contacts. Réduire l’isolement, en particulier pour les populations à risques (personnes âgées). Enfin, donner des informations aux populations urbaines sur les moyens de lutter contre le stress social. Autant de questions auxquelles il faut apporter des réponses lors de la mise en place d’une politique de bien-être urbain nécessitant un dialogue entre urbanistes, architectes, psychiatres et acteurs des sciences sociales.

Conférence

La stimulation cognitive : espoir et perspectives, l’exemple de la musique par Hervé Patel, professeur de neuropsychologie – Unité Inserm Neuropsychologie cognitive et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine, Université de Caen

Depuis le début du XXème siècle, les neuroscientifiques se sont interrogés sur les liens existants entre pratique musicale, comportement et mémoire. On entend par pratique musicale l’apprentissage d’un langage particulier, le solfège, la maîtrise d’un instrument et la mémorisation d’un morceau de musique. La pratique musicale est un prodigieux modèle pour étudier la plasticité cérébrale, dans une démarche qui réunit psychologues, biologistes, spécialistes des sciences cognitives et de l’imagerie cérébrale.

Un récent congrès à Dijon a mis en avant 3 thèmes de recherche :

  • lien entre musique et langage chez des personnes dyslexiques ou aphasiques,
  • lien entre musique, mémoire et apprentissage dans le vieillissement pathologique ou chez des patients ayant eu un AVC,
  • lien entre stimulations auditives et musicales et amélioration de la marche et des mouvements chez des patients parkinsoniens.

Comment est-ce que l’apprentissage de la musique modifie le fonctionnement du cerveau ?

L’imagerie cérébrale, mettant en évidence l’activité cérébrale dans des régions bien délimitées, permet de répondre à cette question. Une expérience avec des musiciens ayant un niveau d’expertise élevé a montré que leurs aires  auditives primaires étaient « activées » quand ils voyaient bouger les mains d’un pianiste au-dessus d’un clavier. Alors qu’il ne sortait aucun son du piano, ils « entendaient » la mélodie.

Des modifications structurelles ont aussi été constatées. La pratique musicale a un effet significatif sur les faisceaux de substance blanche (corps calleux) qui assurent la connectivité entre les hémisphères droit et gauche. Ainsi, comparé aux non musiciens, les musiciens ont un corps calleux plus épais. De même, chez eux, le faisceau arqué qui relie l’aire de Wernicke à l’aire de Broca est plus développé.

Certains patients souffrant d’une aphasie de Broca suivent une thérapie mélodique et rythmée (TMR) qui consiste à associer des mots et des phrases à des supports mélodiques rythmés.  Les patients s’améliorent, leur langage devient plus fluide. On observe un épaississement du faisceau arqué. Un autre point très étudié a été le volume de la substance grise corticale, dans les régions auditives et motrices ainsi que dans l’hippocampe, région impliquée dans la mémoire. L’hippocampe est la région qui montre le plus de différences entre jeune musicien et non musicien : la densité de substance grise y est corrélée avec le nombre d’années de pratique.

Dans le domaine de la santé, quel est le lien entre pratique musicale et le vieillissement normal et pathologique ? La densité de matière grise dans l’aire de Broca diminue avec l’âge. Chez les musiciens, l’atrophie est moins marquée. Il semble que la pratique de la musique puisse aider à renforcer la « réserve cognitive ». Ces études demandent à être poursuivies car les données comportementales chez les personnes âgées sont beaucoup plus rares que chez l’enfant.

Dans la maladie d’Alzheimer, la musique peut être utilisée de deux manières pour diminuer les troubles comportementaux : soit comme un « instrument » de médiation pour restaurer la communication, permettre la réminiscence ; soit comme un « médicament ». Dans ce cas, l’écoute de la musique aura pour but d’apporter relaxation, baisse de l’anxiété, baisse de la douleur ou, au contraire, de stimuler l’apathie et de provoquer un éveil de l’attention.

Ces travaux ont montré que deux tiers des patients souffrant d’amnésie majeure étaient capables d’apprendre des mélodies. Les mélodies étaient mémorisées à long terme (1 à 4 mois). Donc, des patients Alzheimer gardent des capacités d’apprentissage sous un format qui demande à être plus exploré. Il pourrait s’agir d’une mémoire « perceptive » à long terme. Les patients ne se souviennent plus de la source mais ont mémorisé la mélodie, avec des effets comportementaux positifs.

L’apprentissage des chants favorise-t-il spécifiquement la mémorisation ? Non. Des effets bénéfiques sont aussi observés avec des tableaux de peinture. La mémoire perceptive n’est donc pas que musicale. Des études en IRM sont actuellement en cours chez des patients Alzheimer pour savoir quels sont les circuits impliqués dans la mémoire perceptive.

La musique est aussi neurostimulante. Après un AVC, l’écoute de la musique a un effet très significatif sur la récupération du langage. Des effets positifs clairs sont aussi observés chez des patients déprimés ou anxieux. Des travaux expérimentaux chez le rongeur montrent que si on ajoute de la musique dans un environnement « enrichi », les capacités d’apprentissage sont améliorées et la neurogenèse dans l’hippocampe est augmentée. Chez des rats hypertendus, la musique fait baisser la pression artérielle, c’est donc qu’elle agit au niveau central sur un système de régulation.

En conclusion, les effets de la stimulation cognitive sur le comportement et la mémoire sont un champ d’investigation récent. Pour mieux comprendre le lien entre les modifications structurelles observées dans le cerveau et les améliorations cognitives,  il faut augmenter la synergie entre les travaux fondamentaux et les études cliniques. Il faut mettre en place des études multicentriques et longitudinales, c’est-à-dire portant sur des périodes longues. Ceci est particulièrement vrai pour les maladies neurodégénératives.

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ACTUS. APTES

APPEL D’OFFRES A LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE L’Association des personnes concernées par le tremblement essentiel (Aptes) lance un appel d’offres visant à soutenir un ou des projets de recherche portant sur les origines (facteurs génétiques, épidémiologiques…), les mécanismes physiopathologiques ou les développements diagnostiques ou thérapeutiques du tremblement essentiel. Toute proposition devra concerner le tremblement essentiel mais…

Jennifer et Bernard souffrent de tremblements essentiels. Cela se traduit par des mouvements incontrôlables des mains. Cette maladie neurologique gâche la vie de 300 000 personnes en France. Ils vont tous les deux bénéficier d’interventions hors du commun au cœur de leur cerveau.

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