Association des personnes concernées par le tremblement essentiel

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Une nouvelle évaluation de la thalamotomie par radiographie Gamma Knife pour traiter le tremblement essentiel sévère.

Le traitement pharmacologique d’un tremblement sévère peut se révéler décevant. Des chirurgies stéréotaxiques telles que la thermo coagulation par radiofréquence, la stimulation cérébrale profonde (DBS) sont des options thérapeutiques. La DBS est la technique de référence du fait de son efficacité, sa réversibilité potentielle, son adaptabilité et sa sécurité même lorsqu’elle est réalisée en bilatérale. Toutefois, ces techniques présentent des risques d’hémorragie intracérébrale, d’infection et des complications dues au matériel. Elles sont aussi contre-indiquées en cas de médication anticoagulante, d’existence de co-morbidités et d’âge avancé. La thalamotomie Gamma Knife (TGK) est une technique chirurgicale peu invasive, sans craniotomie et sans risque infectieux ou hémorragique. Depuis la première publication en 1992, plusieurs études rapportent son efficacité sans complication sur le tremblement essentiel (TE) ou le tremblement parkinsonien (PD). Cependant, une revue récente souligne l’impossibilité d’affirmer cette efficacité aux vus de résultats publiés à partir d’une seule étude prospective (tous les paramètres de l’étude sont fixés préalablement) faite sans évaluation indépendante et d’une autre étude en simple aveugle (l’expérimentateur ne connaît pas les données cliniques du patients) sur 14 patients. Le principal défaut de celles-ci résidait dans l’absence d’évaluation précise, indépendante et en aveugle du tremblement, étape essentielle pour valider l’efficacité de la radiochirurgie. Le but de la présente étude a été de confirmer l’efficacité sans complication d’une TGK unilatérale dans une large cohorte de patients présentant un tremblement sévère de l’un ou des deux membres supérieurs. Il s’agit d’une étude en aveugle et prospective. L’amélioration du tremblement a été suivie par vidéo et au cours de différentes activités journalières (ADL). Ainsi, entre 2004 et 2010, 50 patients (32 hommes, 18 femmes ; âge moyen 74,5 ans ; 36 TE et 14 PD ; durée du tremblement 22,4 ans ; 4 gauchers/46 droitiers) ont été suivi avant et 12 mois après une TGK unilatérale soit du noyau ventral intermédiaire du thalamus (Vim) gauche chez 38 patients, ou du Vim droit chez 12 patients. La présence de co-morbidités médicale ou chirurgicale pour 25 patients, l’âge avancé (> 75 ans) pour 17 patients ou le refus d’une DBS (âge<75 ans) pour 8 d’entre eux ont été les raisons principales du choix de cette chirurgie. La sévérité du tremblement a été évaluée dans toutes ses composantes (repos, posture, intention, boire, transvaser, dessiner une spirale ou écrire …) y compris dans les gestes de la vie quotidienne par les scores moyens à l’échelle de Fahn-Tolosa-Marin ou à l’auto-questionnaire Bain. Les performances cognitives ont été évaluées par l’échelle Mattis et le test de fluence verbale. Pour chacun des tests, le score global est la somme des différents items. Le pourcentage d’amélioration correspond à la différence entre les scores de base et ceux à 12 mois post-radiochirurgie. La chirurgie Gamma Knife (Leksell ; Elekta, Stockholm, Suède) a été réalisée de façon unilatérale (hémisphère dominant) du côté opposé au membre supérieur le plus atteint. Les coordonnées stéréotaxiques ont été définies par ventriculographie IRM avec Gadolinium à partir de l’axe commissures antérieures/postérieures du 3ème ventricule. Une dose unique de photons (isocentre 4mm ; dose maximale 130 Gy) a été délivrée à tous les patients. Pour chacun d’eux, l’évolution de la lésion au niveau du Vim a été suivie par le même neurochirurgien. L’imagerie cérébrale IRM a été réalisée en pré-opératoire et 3, 6 et 12 mois post-radiochirurgie. Toutes les données issues du suivi sur 12 mois ont été analysées en aveugle sans connaissance des données cliniques de chaque patient. Les résultats objectivent une amélioration de 54,2 % du score global du tremblement (Figure 1), des améliorations des composantes des diverses activités journalières : repos, posture, intention, boire, verser, tracer, écrire …. (Figure 2) y compris une amélioration de 72,6% sur la qualité de vie (ADL).  La corrélation significative (r= 0,68 ; p<0,001) entre le score global et le score ADL est un index d’efficacité. Selon l’amélioration du score ADL, les patients se répartissent en 2 groupes, un groupe de 38 patients « répondeurs » (amélioration de 96,4%) et un groupe de 12 patients « non-répondeurs » (aucune amélioration). Chez les patients répondeurs, l’amélioration du score de tremblement est de 64,9 % avec un délai thérapeutique de réponse de 5,3 mois post-TGK. L’évaluation cognitive s’est révélée stable sans affectation de la fluence verbale. La fluence sémantique est trouvée significativement diminuée 12 mois après l’intervention. Dans cette série, il n’y a pas eu de différence dans la réponse thérapeutique par rapport à l’étiologie du tremblement. Le taux d’effets indésirables a été de 2% attribuable à un patient de 77 ans qui a développé une hémiparésie régressive en 3 semaines, secondaire à un œdème péri-lésionnel repéré par IRM. Il s’agissait d’une hyper-réponse à la radiochirurgie. Pour les 2 patients PD ayant préalablement subi une DBS controlatérale, aucun effet secondaire n’a été signalé.

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Figure 1. Améliorations du tremblement après Gamma Knife. Les lignes au milieu de chaque rectangle sont les valeurs moyennes et les barres représentent les écarts-types. A. Amélioration du tremblement (%), appréciée en connaissant (unblinded) ou en ignorant (blinded) les scores cliniques. B. Evaluation du score global du tremblement, 12 mois après traitement. Les différences sont significatives entre les groupes (p<0, 001 ; test de Wilcoxon).

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Figure 2 : Comparaisons des différentes composantes du tremblement en pré- ou post-TGK.  Les sous-scores, évalués en aveugle sont les moyennes ±  SEM; tous les sous-scores sont significativement différents  entre  pré et post-TGK  (p<0.001 ; Corrélation de Spearman).

L’examen IRM, 12 mois post-TGK, s’avère normal et confirme que la lésion thalamique se superpose parfaitement au site stéréotaxique pré-défini pour les 38 patients « répondeurs » et l’un des 12 patients « non –répondeurs ». En revanche, il confirme l’absence de lésion ou des altérations minimes pour les 11 patients « non répondeurs ».

Ces résultat démontrent que la TGK est une option thérapeutique efficace et sans risque dans le traitement des tremblements sévères médicamenteux résistants. Les premières interventions de TGK ont commencé en 1960 et plus de 70 études ont été publiées à ce jour. La plupart d’entre elles rapportent une amélioration du tremblement de l’ordre de 60 à 90%, sans effets secondaires majeurs (<8%). Cependant ces résultats sont critiquables car ils sont issus d’études où la répartition des sujets dans les groupes n’a pas été faite de façon aléatoire et les cohortes de patients, suivis pendant des durées variables (7-30 mois), étaient petites. Contrairement aux résultats positifs décrits, une seule récente étude faite en aveugle ayant montré l’inefficacité d’une TGK chez 14 patients, il s’avérait alors nécessaire d’entreprendre une étude prospective comportant des évaluations indépendantes faites en aveugle. La TGK est la moins invasive des interventions chirurgicales. Ses effets secondaires (déficit moteur, paresthésie, dysarthrie)  varient de 1,6 à 8,4% ; ils sont réversibles avec ou sans séquelles mineures. Dans cette étude, seul 1 patient a présenté une hémiparésie transitoire secondaire à un œdème péri-lésionnel repéré par IRM. Onze patients (18%) n’ont pu bénéficier d’un suivi sur 12 mois pour des raisons inhérentes à des provenances géographiquement différentes, leur âge avancé et/ou les co-morbidités associées. Malgré cette limitation, les évaluations subjectives obtenues ont apporté la preuve d’une amélioration du tremblement pour la plupart des patients. Un des challenges de cette technique est la variabilité réactionnelle au niveau thalamique. Dans cette étude, chez tous les patients « répondeurs », la lésion du Vim est parfaitement superposable au site établi en pré-opératoire. Cette étude est la première à montrer l’absence de lésion (ou lésion très minime) repérable par IRM chez les patients « non répondeurs ». Cette hypo-réponse à la radiochirurgie nécessite des investigations complémentaires. Différentes chirurgies stéréotaxiques comme la thermo-thalamotomie par radiofréquence, la DBS et la radiochirurgie GK ont été proposées dans le traitement des tremblements sévères résistants. La DBS présente l’avantage de pouvoir être bilatérale contrairement aux thermo-thalamotomies par radiofréquence ou LITT (laser-induced thermal therapy) toujours unilatérales. Dans ces cas, la nécessité d’une surveillance de la température intra-opératoire explique leur utilisation peu fréquente, le peu de données disponibles dans la littérature et l’absence d’évaluation en aveugle et à long-terme. L’effet thérapeutique de la radiochirurgie est différent des autres chirurgies. Le délai d’amélioration est d’environ 5, 3 mois post-TGK. Lorsque la dose du rayonnement ionisant délivré est maximale, la lésion nécrotique centrale (4mm de diamètre) est entourée par un halo non-nécrotique constitué d’un réseau vasculaire et d’une gliose astrocytaire. Ces modifications périphériques pourraient induire un effet thérapeutique plus important qu’après thermo-lésions et expliquer l’effet bénéfique à long-terme de la TGK rapporté dans la plupart des études.

En conclusion, la thalamotomie Gamma Knife est une approche chirurgicale efficace sans complication dans le traitement des tremblements sévères. D’autres études randomisées (études au cours desquelles les participants sont répartis de façon aléatoire dans le groupe témoin et le groupe expérimental) s’avèrent toutefois nécessaires pour confirmer cette efficacité et comparer le rapport bénéfice /risque avec les autres approches chirurgicales. Cette étude prouve aussi son intérêt notamment pour améliorer la qualité de vie de patients âgés très invalidés par le tremblement ou pour des  patients qui ne peuvent subir une chirurgie plus invasive.

Auteurs : Tatiana Witjas, Romain Carron, Paul Krack, Alexandre Eusebio, Marianne Vaugoyeau, Marwan Hariz, Jean Philippe Azulay, Jean Régis. Département de Neurologie et des Mouvements Anormaux, Département  de Neurochirurgie Fonctionnelle et stéréotaxique et de Radiochirurgie, AP/Hôpitaux de Marseille, Hôpital de la Timone, Institut des Neurosciences de la Timone,  Université Aix-Marseille, Marseille, France…. A prospective single-blind study of Gamma Knife thalamotomy for tremor. Neurology, 2015, 85, 1-7.

Résumé : Drs Nicole Sarda et Marie-Hélène Bassant, Réseau ScienSAs’- NeuroPsy -INSERM

 

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