Association des personnes concernées par le tremblement essentiel

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Physiopathologie

La physiopathologie du tremblement essentiel reste mal connue et des données récentes suggèrent qu’il s’agit d’une affection complexe, associant une hétérogénéité clinique, génétique et physiopathologique. L’origine centrale des oscillations posturales et cinétiques du tremblement essentiel (6-12 Hz) a été démontrée sur le plan électrophysiologique. Cette activité rythmique oscillatoire peut être générée par un groupe de neurones dans un noyau (olive inférieure, thalamus), ou bien par plusieurs noyaux reliés entre eux par des axones (réseau d’oscillateurs multiples corticaux et sous-corticaux) ou bien par un dysfonctionnement d’une boucle de régulation sensitivo-motrice passant par le cervelet.

figure1
schéma illustrant l'hétérogénéité clinique et anatomopathologique du tremblement essentiel

Dans l’hypothèse du générateur unique, l’olive inférieure est un bon candidat car elle contient des neurones qui sont capables de décharger sur un mode oscillatoire autonome et ces neurones peuvent communiquer par des synapses électriques (gap jonctions) permettant la synchronisation de la décharge oscillatoire de plusieurs neurones par un couplage électrotonique. L’administration d’harmaline chez l’animal augmente l’activité rythmique synchronisée des neurones de l’olive inférieure en augmentant le couplage électrotonique des neurones olivaires par une action sur les gap jonctions. Cette activité oscillatoire est transmise vers les cellules de Purkinje du cervelet via les fibres grimpantes puis vers les noyaux de sortie du cervelet et se transmet aux motoneurones spinaux par voie bulbospinale et induit un tremblement de 8-12 Hz, transitoire. L’activité rythmique synchronisée générée dans l’olive inférieure peut aussi se transmettre vers le noyau rouge controlatéral, le thalamus et le cortex moteur par une boucle olivo-cérébello-thalamo-cortico-spinale. La régulation de l’activité rythmique spontanée des neurones de l’olive inférieure est sous la dépendance du GABA et l’harmaline pourrait agir comme un antagoniste des récepteurs GABA A mais le diazépam ne supprime pas les décharges rythmiques des cellules de Purkinje chez le rat, le lapin ou le chat. Ce modèle animal à l’harmaline reste critiquable dans la mesure ou le tremblement induit est transitoire, peut être associé à un tremblement de repos, des troubles de la locomotion liés à une dégénérescence des cellules de Purkinje et qu’il n’est pas modifié par le propranolol.

Les études anatomo-cliniques chez l’homme et les résultats des études en TEP apportent des arguments en faveur d’une perturbation fonctionnelle du circuit cérébello-bulbo-spinal. Cependant la signification de l’augmentation de débit sanguin cérébral retrouvée de façon bilatérale au repos et en conditions posturales au niveau du cervelet et du tronc cérébral (noyau rouge) reste controversée : est-ce la cause ou la conséquence du tremblement ?

La remarquable efficacité thérapeutique de la lésion stéréotaxique ou de la stimulation à haute fréquence du noyau VIM du thalamus pour diminuer ou supprimer le tremblement essentiel et les études anatomo-cliniques suggèrent fortement l’intervention du thalamus comme générateur ou relais des oscillations dans la boucle thalamo-corticale. Il existe une corrélation entre l’activité rythmique des neurones du VIM et l’EMG des patients avec tremblement essentiel. L’excitabilité de la voie cérébello-thalamocorticale étudiée avec la stimulation magnétique transcorticale est normale dans le tremblement essentiel, comparativement à des contrôles et à des patients avec atrophie du cervelet, suggérant un rôle de relais du cervelet d’une activité rythmique générée ailleurs.

Le rôle du cortex moteur dans la genèse du tremblement essentiel peut être appréhendé par les études de cohérence corticomusculaires MEG-EMG ou EEG-EMG. Les résultats de ces études restent controversés et ne permettent pas de savoir si le cortex moteur est un des générateurs impliqués dans la genèse du tremblement essentiel ou bien si son activité n’est que le reflet d’une copie efférente d’un signal oscillatoire généré en sous cortical et transmis par les voies bulbospinales.

L’absence de cohérence à la fréquence du tremblement entre les muscles de différents membres suggère l’existence de multiples générateurs centraux séparés pour les différentes extrémités au sein d’une boucle cérébello-thalamo-corticale.

Il existe plusieurs arguments en faveur du rôle du GABA dans la physiopathologie du tremblement essentiel avec notamment la présentation d’un nouveau modèle animal génétique d’une souris knock out avec une mutation du gène codant pour la sous-unité alpha 1 du récepteur GABA A. Dans ce modèle, les souris présentent un tremblement postural et cinétique permanent à 19 Hz et un trouble de la coordination transmis sur 9 générations. Le tremblement est diminué après administration de primidone, propranolol, gabapentine, supprimé par l’éthanol. On n’observe pas de dégénérescence des cellules de Purkinje comme dans le modèle à l’harmaline mais une disparition des ppsi gabaergiques sur les cellules de Purkinje. Cependant une étude génétique récente n’a pas permis de retrouver d’association entre tremblement essentiel familial et la mutation pathologique dans la région codant pour le gène GABA A 1. L’injection d’un agoniste gabaergique le muscimol dans le noyau VIM du thalamus réalisé au cours d’implantation d’électrode pour stimulation cérébrale profonde induit une diminution du tremblement d’environ 7 minutes chez les 6 patients testés.

L’existence d’une hétérogénéité sur le plan génétique, de cas sporadiques et de variations dans l’âge de survenue et la sévérité du tremblement au sein d’une même famille, suggèrent l’influence de facteurs environnementaux. Parmi les agents neuro-toxiques incriminés, les alcaloïdes type ß-carboline (harmane, harmine) sont des antagonistes des récepteurs GABA qui provoquent chez l’homme lors d’une intoxication un tremblement sévère. Une augmentation du taux sanguin de ß-carboline a été retrouvée dans un groupe de patients avec tremblement essentiel en comparaison de contrôles et une corrélation entre l’augmentation du taux d’harmane dans le sang et la diminution du ratio du taux de N-acetyl-aspartate sur le taux de créatine totale dans le cervelet, (marqueur de dysfonctionnement ou dégénérescence neuronale), a été démontrée chez des patients avec tremblement essentiel. Par leur action inhibitrice gabaergique dans le SNC, les pesticides organochlorés ont aussi été incriminés de même que le plomb qui entraîne une destruction des cellules de Purkinje, ou le mercure et le manganèse.

Au cours de l’évolution, d’autres signes neurologiques que le tremblement postural et cinétique peuvent apparaître chez certains patients, comme des signes cérébelleux ou un tremblement de repos. Ainsi l’équipe de Gunther Deuschl a individualisé clairement un sous-groupe de patients présentant un tremblement essentiel avec un tremblement intentionnel franc (It+). Comparés à une population de patients avec tremblement essentiel sans caractère intentionnel franc (It-), les patients tremblement essentiel (It+) étaient plus âgés, avaient un tremblement plus sévère et qui touchait aussi souvent le tronc et la tête. Des études cinématiques fines du mouvement au membre supérieur, lors de la marche, ont montré que le sous-groupe de patients It+ présentaient des anomalies des mouvements dirigés vers une cible, des anomalies dans la programmation temporelle des mouvements balistiques, et des perturbations de la marche en funambule très proches de celles observées chez les patients avec un syndrome cérébelleux. Ces anomalies n’étaient pas retrouvées dans le sous- groupe des patients tremblement essentiel (It –) ou les contrôles. Toutes ces études convergent pour montrer l’existence d’un dysfonctionnement du cervelet chez un sous-groupe de patients avec tremblement essentiel, de même que le caractère réversible de ces troubles après ingestion de petites doses d’éthanol. La question d’une atteinte fonctionnelle ou dégénérative du cervelet reste débattue. L’équipe de Louis a montré par une étude en spectroscopie IRM, une diminution du ratio du taux de N-acetyl-aspartate sur le taux de créatine totale dans le cortex cérébelleux dans le tremblement essentiel, corrélé avec la sévérité du tremblement, suggérant un dysfonctionnement ou une dégénérescence des cellules de Purkinje. Des résultats comparables ont été obtenus par Pagan et al. mais la diminution du taux des métabolites intracellulaires n’était pas corrélée avec la sévérité du tremblement. Enfin une étude plus récente morphométrique par IRM haute résolution (VBM) ne retrouve pas de diminution de la densité de substance grise ou de substance blanche dans le cervelet de 27 patients avec tremblement essentiel comparativement à 27 contrôles. Il y a très peu d’études anatomopathologiques post-mortem. Celle de Rajput réalisée sur 20 cerveaux de patients avec tremblement essentiel ne montre une perte neuronale discrète des cellules de Purkinje que dans 2 cas (1 %) alors que l’étude très récente de Louis et al. réalisée sur 33 cerveaux de patients avec tremblement essentiel et comparativement à 21 cerveaux contrôle retrouve des anomalies histologiques du cervelet de type dégénératives dans 76 % des cas.

L’apparition d’un tremblement de repos et de signes parkinsoniens au cours de l’évolution chez certains patients pose la question de l’association fortuite ou du lien réel entre le tremblement essentiel et la maladie de Parkinson avec une prédisposition possible pour certains patients avec tremblement essentiel de développer une maladie de Parkinson. Shahed et Jankowic présentent de façon très exhaustive dans une revue récente les arguments épidémiologiques, cliniques, neuroradiologiques, génétiques et anatomopathologiques en faveur de ces deux hypothèses. Ils concluent que si une majorité de patients avec tremblement essentiel ne développeront pas de maladie de Parkinson avec le temps, il existe un nombre important d’arguments suggérant l’existence d’un sous-groupe de patients avec tremblement essentiel qui développeront une maladie de Parkinson. Il existerait un continuum possible entre un phénotype de type tremblement essentiel vers un phénotype de type maladie de Parkinson en passant par une phase intermédiaire appelée phénotype tremblement essentiel – maladie de Parkinson. Les déterminants de cette progression sont inconnus mais pourraient mettre en jeu un déficit dopaminergique et des facteurs génétiques. Les résultats anatomo-pathologiques très récents de l’équipe de Louis montrent la présence de nombreux corps de Lewy dans le tronc cérébral de 8 cerveaux de patients avec tremblement essentiel sur les 33 étudiés (24,2 %) contre 2 cas seulement sur les 12 cerveaux contrôle ou les corps de Lewy étaient beaucoup plus rares. Dans 6/8 cas, les corps de Lewy étaient principalement retrouvés dans le locus coeruleus.

En conclusion, les données récentes suggèrent que le tremblement essentiel n’est pas une simple entité clinique mais pourrait représenter une famille de plusieurs affections reliées entre elles dont le dénominateur commun serait la présence d’un tremblement postural et d’action.

figure2
Générateurs potentiels des oscillations centrales du tremblement essentiel au sein des boucles de régulation du mouvement dans le système nerveux central

Elles soulignent la complexité et l’hétérogénéité de cette affection, la nécessité de trouver des modèles animaux plus performants et de réaliser des études longitudinales pour confirmer ou non l’idée d’un processus dynamique dans le temps et dans l’espace avec atteinte progressive du cervelet et ou des noyaux gris centraux et du lobe frontal dans un processus de type neurodégénératif. Il reste cependant probablement encore beaucoup de partisans de l’hypothèse d’une maladie génétique de la neurotransmission, bénigne en dehors du handicap moteur qu’elle peut entraîner.

voir les références

Marion-Simonetta-MoreauArticle du Docteur Marion Simonetta-Moreau,
neurologue, spécialiste des mouvements anormaux,
Pôle neurosciences,
CHU de Purpan, Toulouse
mis à jour le 02/03/2012

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